Et si cette année, le temps du Carême commencé mercredi dernier, était la porte d’entrée du temps d’après. Vous savez, le temps d’après, d’après la maladie, d’après la pandémie, un temps que tous espèrent, un temps que nous désespérons de voir arriver. Et si ce temps d’après commençait en ce Carême 2021. Certains croient que le temps d’après sera comme le temps d’avant. Certains croient que d’un mal sortira un bien. Qu’en est-il ? Qui décide ? Est-ce Dieu ? Est-ce l’homme ? Est-ce la maladie ? En tout cas, le retour du temps du Carême pour les chrétiens doit offrir quelques réponses à ces questions. Nous voyons aujourd’hui dans l’Evangile Jésus au désert. C’est très succinct. C’est aussitôt après son baptême, Jésus est poussé au désert. Le verbe original en grec c’est : Jésus est chassé, expulsé au désert. C’est le même verbe qui est employé lorsque Jésus expulse un démon. Le baptême a révélé l’identité de Jésus, le Fils de Dieu. Voici maintenant le temps de la traversée du désert, le temps pour éprouver cette identité et c’est sans ménagement que l’Esprit de Dieu le pousse au désert. Le désert dans la Bible. Lieu des bêtes sauvages et des tentations. Lieu de tous les dangers. Lieu de la faim et de la soif. Lieu propice pour les questions essentielles qui rejoignent les nôtres en pleine pandémie : Qui suis-je vraiment ? Qu’est-ce que je veux faire ? Les questions liées à la pandémie sont des questions qui font vaciller : nous en sortirons-nous ? L’Evangile traduit cela pour Jésus : il fut tenté par Satan, le mal, personnifié, identifié par la Bible comme le vrai danger. Jésus va-t-il perdre sa qualité de Fils de Dieu ? Va-t-il vaciller ? La suite de l’Evangile de Marc nous apprendra qu’il saura tenir debout, résister, dans le don de lui-même pour que tous vivent bien, aient la vie, la guérison, l’espérance. La tentation, pour les chrétiens, c’est d’oublier notre baptême, oublier qu’avec le Christ Dieu a passé alliance avec nous. Nous avons reçu au baptême, pour reprendre les mots de St Paul, l’armure pour le combat de la vie. Et la traversée de la pandémie aujourd’hui fait partie de ce combat de notre vie.
Savons-nous utiliser notre première arme pour la vie, pour la survie ? Notre première arme, nous enseigne la Bible, c’est de crier vers Dieu. C’est ce que fait le psaume : « rappelle-toi Seigneur ta tendresse, ton amour qui est de toujours. » Autrement dit, le premier cri que nous adressons à Dieu c’est un cri pour qu’il se souvienne qu’il a fait alliance avec nous, que nous sommes toujours là et que c’est plus que jamais le temps de nous montrer l’arc dans le ciel, l’espérance de jours meilleurs. C’est cela qu’enseigne le très beau récit de l’alliance entre Dieu et Noé, dont la lettre de Pierre en deuxième lecture nous donne le sens : c’était une figure du baptême, le déluge. L’Evangile nous invite avec insistance, dans la traversée du désert qui est la nôtre, à faire monter vers Dieu ce cri : Rappelle-toi ton alliance avec nous, ne nous oublie pas. Ce cri, Jésus le premier l’a poussé vers son Père, alors qu’il était aux prises avec toutes les hostilités du désert.
Notre seconde arme après le cri vers Dieu, c’est notre intelligence, la capacité que Dieu nous a donné de raisonner. Qui suis-je ? Qu’est-ce que je veux faire ? Le Satan de l’Evangile, face à Jésus, est présent de bien des manières à notre vie. Il est présent quand gagne sur nous la désespérance en particulier, qui nous fait baisser les bras. Pour trouver la réponse à « qui suis-je » ? Il nous faut faire mémoire de notre histoire et de notre histoire avec Dieu. Comment Dieu m’a aimé ? Pour trouver la réponse à « qu’est-ce que je veux faire » ? Il faut se tourner vers les trois grandes valeurs fondamentales rappelées en Carême : la prière, le jeûne, le partage. Trois axes évangéliques, qui ont été le chemin de Jésus vers Pâques. Dans son livret de Carême, le CCFD nous propose ce commentaire de l’Evangile : « entre les bêtes sauvages et les anges, voilà le Christ ramené à l’expérience fondamentale de tout être humain. Entre ciel (les anges) et terre (les bêtes sauvages), comment trouver sa place ?
Si le Christ fait l’expérience que la création semble le servir, dans le désert de son cœur, il réalise aussi à quel point la violence et l’opposition à la vie sont puissantes. N’ai-je pas à accepter que l’émerveillement devant la Création doit aller de pair avec la lucidité : car, nous dira le Christ, le bon grain et l’ivraie sont mélangés. »
Temps d’avant, temps d’après. Pour les chrétiens, il y a un seul temps, c’est le présent et la manière dont nous habitons le temps présent. Pour les chrétiens quelles que soient les circonstances que nous traversons, désert ou oasis, c’est aujourd’hui que, la bonté du Christ réclame que nous aimions. Pas n’importe comment, mais n’importe qui, jusqu’au bout, et n’importe quand. La bonté du Seigneur va aux plus faibles. Et le CCFD de citer Madeleine Delbrêl : « La bonté du Christ opère avec nous, plus encore elle espère de nous, de chacun, quelque chose. » Daniel Orieux.